Littérature - Roman - 11 x 20 - 240p

Les Douze contes de minuit

Salim Bachi

Février 2007

« Jumelles aux poings, le Cousin flinguait quarante cigarettes par jour en épiant ses voisins : les fenêtres de Cyrtha le captivaient. Le Cousin ne se nourrissait pas, ou peu : il fumait deux paquets de cigarettes par jour, buvait trois litres de café, et reluquait ses voisines sur le point de se coucher. L’été – saison favorite du Cousin –, elles s’endormaient nues, persiennes béantes sur la nuit et les étoiles. Le Cousin éteignait alors l’unique ampoule fixée au plafond de sa chambre, dépliait son échelle et se hissait sur son faîte. Il allumait une cigarette puis scrutait les ténèbres. Cyrtha contenait la baie entre deux bras de lumière, puis se repliait sur les collines, corps suspendu dans l’espace. L’appartement du Cousin tournait le dos à la montagne, et n’affrontait jamais la mer. Le Cousin ne se perdait pas dans la contemplation des masses liquides, ni ne laissait les ressacs l’envoûter. Le ciel, par contre, se déployait en éventail au-dessus de sa tête, et fourmillait d’innombrables lucioles, des étoiles peut-être, il ne savait trop. Ce ciel semblait si étendu, si vaste qu’il provoquait chez le Cousin un sentiment singulier. À force de le contempler du haut de son perchoir, il en perdait la mesure. Sa tête pendait dans le vide ; ses jambes, accrochées aux nues, pataugeaient dans le néant. Cela le rendait malade, littéralement. »

S.B.

Douze nouvelles en forme de contes grinçants, allégoriques et rarement tendres qui tentent de dire ce qu’a été l’Algérie des années noires.